Fred Solojak

Nouveau désaccord entre F.Solojak et Dan Bracco...

Dan Bracco n’est pas content ; Fred Solojak n’envoie plus de manuscrits aux éditeurs « sérieux ». Un soir, ils se sont sérieusement engueulés sur cette sorte de paralysie que Dan Bracco estime méprisable, indigne en tout cas d’un personnage de roman de son gabarit. Il est parti en claquant la porte et en faisant plein de bras d’honneur à son auteur…

Quelques jours plus tard, il recevait cette lettre :

« Dan,

tu m’as accusé de ne pas être tenace. Tu as raison ; depuis 1987, je n’ai envoyé que 3 romans différents à 7 éditeurs  installés depuis des décennies au cœur du Quartier Latin. Comme je te l’ai rappelé, les réponses ont été négatives. A chaque refus, j’ai eu la lucidité de me dire que mes romans étaient mauvais. Ils ne possédaient pas cette étincelle capable de bouter le feu à l’intelligentsia parisienne. Pourtant, en emballant mes manuscrits, j’étais persuadé que celui qui les lirait, là-bas, de l’autre côté des étoiles, allait tomber sur le c…, décrocher son téléphone et appeler l’immense écrivain qui venait de lui offrir la primeur du roman du millénaire. J’imaginais déjà voir défiler chez moi un cortège de limousines, dégorgeant sur mon seuil des nuées d’éditeurs me brandissant sous le nez des contrats mirobolants. Il n’en sera jamais rien.

A présent, au cœur de la cinquantaine, je n’ai même plus la nostalgie de ce rêve quelque peu hollywoodien. Je me contente de continuer à écrire… 

C’est là ma vraie ténacité, mon ultime fierté avant le générique de ma fin…

Puis-je cependant, Dan, te poser une question : aurais-tu voulu que je fasse la p…  pour être publié ? Mieux encore : aurais-tu voulu que je TE  fasse faire la p…  pour inscrire ton nom dans le catalogue d’une Grande Maison ? Je te vois assez mal en bas résille et en top coquin…

Puis tu as vu ma g… ? Elle n’est pas digne de TF1, ni même de France 28, pour peu que cela existe… De plus, je ne suis même pas capable de m’inventer une bio susceptible de faire pleurer, dans les chaumières, les nanas semi-centenaires ou les bobos si bien chantés par Renaud. Moi, je suis Solojak qui jacasse devant ses échecs, pas Solojak qui fracasse les tirages… Je suis Solo, c’est-à-dire « seul ». Je n’ai pas le profil d’un winner. Je ne souffre même pas d’une maladie rare sur laquelle je pourrais faire pleuvoir de l’eau de rose afin de faire la fortune des marchands de mouchoirs auprès de mémés qui, à la lecture de mes malheurs, se consoleront un peu des leurs…  Je n’ai été ni résistant à quelque régime autoritaire, ni prophète politique, capable en quelques pages de bousculer  le « politiquement correct » en invitant à l’indignation 10 millions de lecteurs. Enfin, je suis trop avare (ou pas assez riche) pour claquer à l’infini 15 euros de frais postaux dans l’envoi de manuscrits à des éditeurs qui en reçoivent dix, vingt, cent chaque jour… Tous aussi sincères que les miens dans leurs conceptions, tous aussi pathétiques avec leurs fautes d’orthographes, leurs malfaçons et leurs scénarios tellement inédits qu’ils en sont incompréhensibles…

Mon problème, le vrai, c’est que je ne connais personne entre Paris et moi...  A chaque manuscrit envoyé,  je joue au loto-édition, avec le résultat que tu feins d’ignorer…  C’est normal ; étant un personnage de roman, tu crois pouvoir être valorisé par l’éventuelle renommée de ton auteur. Que serait Jean Valjean sans Hugo, et Betty de 37,2 le matin, sans Djian et surtout Chet , dans « Epaves », sans Goodis ?

Sans moi, tu n’es rien, Dan ! Je te le dis par écrit, afin que ça reste entre nous.

Mais je vais être magnanime, alors que je pourrais te « tuer » en  balançant ton histoire à la poubelle ; je la garde et, si ça se trouve, je la publierai sur « le net »...

Là aussi, je sais que tu n’es pas d’accord. Tu m’as dit que le « net » pullule d’écrivains ratés qui, n’ayant pas trouvé d’éditeurs dit « classiques »  pour leur daube, se rabattent sur l’auto-édition.

Tu as raison. Je ne nie pas être un écrivain raté. C’est la réalité du moment.

Tu prétends aussi, Dan, que l’auto-édition est sans contrôle, que tout un chacun peut aligner des pages et des pages de conneries...

D’un côté, tu n'as pas tort.  Et alors ? Le lecteur potentiel doit être suffisamment adulte pour opérer un tri. D’un autre côté, tu exagères. En offrant nos pages, nous nous exposons à la pire des critiques ; celle de l’aveugle qui veut changer les couleurs d’un Monet ! Celle du vicelard anonyme qui veut donner des leçons de morale ! Celle du défenseur des droits de l’homme qui, dans la touffeur de l’alcôve familiale, tabasse sa femme... Bref, si tu mets une page sur le « net », trois lecteurs sur quatre t’allumeront, trouvant toujours prétexte à dénoncer plagiats et mauvais style, perversions intellectuelles et atteintes aux bonnes mœurs, incurie dans la mise en page et inepties répétées dans le fond de l’histoire…  Au point que tu douteras de la formulation de la moindre de tes idées, de la plus anodine de tes scènes de roman...

Tu soutiens, Dan, que nous ne sommes pas lu ; que ceux qui nous achètent le font par complaisance, parce que ce sont des membres de la famille, des amis proches, etc...  Que personne ne donnera dix, quinze ou vingt euros pour le roman d’un inconnu...

D’accord avec toi, Dan... Mais je vis d’espérance. Et ce que j’ai mis sur le « net », c’est « déjà ça » :  un peu d’espérance...

« Déjà ça, Dan ». Voilà la formule qui me sied. Depuis que je publie sur le net, je me sens mieux. Je ne passe plus des mois à attendre des réponses qui ne viendront peut-être pas. Je publie « en direct ». Je joue à l’écrivain —c’est encore une de tes formules—  et ça me plait parce que je me sens libre, loin des foules, des obligations médiatiques et représentatives, de la recherche frénétique de l’articulet dithyrambique dans les canards locaux… Dans les forums « internet », si ça vire à l’aigre, je romps la passe en me réfugiant dans ma chère autodérision ou en coupant l’ordi, selon…

Bien entendu, pour beaucoup, pour tous peut-être, mes écrits seront toujours aussi mauvais. Qu’importe : « ils sont ». Chacun peut les lire jusqu’au bout, jusqu’à la moitié, jusqu’à la première page. L’auto-édition a ceci de particulier ; elle permet "l’auto-gestion de la lecture". Par contre, si tu paies 20 euros un roman estampillé « Grande Maison », tu te sentiras obligé de le lire jusqu’à la dernière page et même s’il ne t’a pas plu, ton sens du jugement aura été, dès l’ouverture du bouquin, conditionné par cette formule : « C’est quand même un auteur publié chez " x", donc c’est bon... »  Chez les grands éditeurs, on prend très vite l’habitude d’acheter « un nom » bien plus qu’un chef-d’œuvre bouleversant, capable de vous transformer...

Ce serait bien si, à ce moment-là, je plaçais ma petite pub pour « El, tout simplement... » que tu n’apprécies pas, Dan, puisque tu m’as reproché d’y accorder trop d’importance…

A paraître en novembre 2012 ! 

Oui,  je veux, Dan, lui accorder l’importance qu'« El » mérite.... Surtout si j’évoque un bouleversement, une transformation. Et je ne me casse pas en deux pour l’affirmer ! C’est ainsi. Moi, « El, tout simplement... » m’a bouleversé, transformé. Je crois en « El » parce que j’aurais eu envie d’être à la place de Bracco (pas toi, Dan, l’autre… ) lors de l’ascension du Grand Pic. Tu imagines, Dan, il a rencontré un christ féminin ! Le pied !  De quoi vouloir La suivre jusqu’aux confins de l’éternité, jusqu’à la droite du Père…

Bon, sur ces  bonnes  paroles, je te quitte. Si un jour, « El » me fout la paix —ce que je ne souhaite pas mais qui sait ? — je retravaillerai « ton » manuscrit et je te collerai sur le « net « , histoire de te faire vivre autrement que dans le tiroir du bureau, dans la pile des manuscrits  à ne surtout pas envoyer… 

A bientôt, j’espère…

Ton dévoué mais excessif auteur : Fred Solojak

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