Fred Solojak

Fred Solojak

Défense d'un héros innommable...

J’ai longtemps hésité à dévoiler les « seins de Marie » parce que, même dans les espaces réservés à la fiction, l’air du temps n’est plus à la folie gratuite.

 

L’air du temps, me semble-t-il, réclame une « littérature » lisse à en être opaque, didactique tout en se défendant de toute moralisation, auto-suffisante dans le sens où elle est, le plus souvent, produite par des auteurs auto-suffisants, concise puisque le lecteur potentiel est surbooké et, surtout, malgré la banalité de la formule, « politiquement correcte ».

 

Par mon absolue liberté d’auteur auto-édité, assimilable à celle de l’artisan qui, après son turbin lucratif, peaufine quelques pseudos chefs-d’œuvre à sa seule démesure, je ne suis pas « tout ça », je n’écris pas « comme ça ». Néanmoins, proprio d’un petit atelier d’écriture, je ne puis me permettre de l’exposer à d’éventuelles critiques pouvant me conduire au tribunal, parce que j’aurais déplu aux harpies et aux chevaliers blancs de la « juste pensée » (autre formule bateau !)

 

Pourtant, je prends quand même le risque de livrer au public ces « seins de Marie ». En effet, en toute naïveté, j’ai la prétention de ne pas m’adresser à « ces gens-là ». C’est pourquoi, dans le roman, il y a l’épithète « gouine » ; c’est pourquoi le héros gifle son épouse ; c’est pourquoi il déteste les victimes de la société parce que lui, voyez-vous, s’est réfugié, au plus vite, dans les bras (ou sous le c… ) d’une femme richissime, au risque de disparaître, au point d’en perdre son identité…

 

En conséquence, il se contrefiche de tous les exclus, des migrants économiques, des réfugiés politiques, des SDF, des toxicomanes, n’hésitant pas à les affubler de patronymes ridicules, les faisant s’exprimer, si l’on peut dire, en volapuk primitif. En sournois, il se paie même le culte de la néo religion laïque (lui, il aurait écrit « laicarde »). Il n’a aucune morale, pas même celle de ses aïeux. Il rêve à des coïts somptueux qu’il exprime dans un érotisme digne d’un vieux « SAS » (qui s’en souvient ?), mais méprise trop la femme pour oser seulement lui sourire… Il est même écrit quelque part dans le book, qu’il serait même facho…

 

Enfin, et là nous sombrons dans l’ignominie impardonnable, il stigmatise ceux et celles qui, dans un louable élan d’Humanisme, veulent établir un « monde plus juste », ce monde dont les racines plongent dans le « Siècle des Lumières » qui, j’ose le rappeler, s’éclairait à la chandelle…

 

Bref, ce héros est haïssable.

 

Et pourtant, je l’aime bien…

 

« Parce qu’il VOUS ressemble ! » s’exclameront aussitôt les inévitables manichéens qui pullulent en ce siècle. En effet, pour ces "autres gens-là",  il est évident que le romancier et ses personnages sont taillés dans le même billot…

 

Je leur donne partiellement raison : l’homme sans nom me ressemble parce que nous sommes tous deux les survivants d’une époque (presque) disparue. Époque que je me garderai de définir afin de ne pas alimenter l’holocauste intellectuel dont elle est encore la victime. Nous pensions faux, sans doute, mais nous avions le mérite de penser.

 

Une chose encore : peu importe que mon héros soit ceci ou cela, réfléchisse et agisse « comme ceci, comme cela », soit jugé en bien, en mal. En effet, si vous lisez son histoire avec le regard que j’ai utilisé pour la rêver, vous admettrez peut-être qu’il est bien plus un piètre Cupidon qu’un monstrueux Adolf. N’étant moi-même ni l’un ni l’autre, ne suis-je pas blanchi de tout soupçon de collusion trop intime avec lui ? Sauf sur un point : tout comme lui, j’ose m’atteler à des tâches particulièrement stériles et donc foncièrement risibles. Lui, il veut contempler une poitrine de femme sans songer, une seule seconde, à la caresser ; moi, je publie un roman, le sien, qui m’a coûté autant de boulot que s’il devait être vendu dans une FNAC quelconque (pléonasme !). Ce qu’il ne sera jamais.

 

Et c’est très bien ainsi ! L’essentiel est atteint : je me suis quand même bien amusé à l’écrire parce que, indéfectiblement, je suis un très bon lecteur de moi-même…

 

J’ai parlé de l’auto-suffisance de certains auteurs ? Si c’est oui, je ne m’en souviens pas…

Fred Solojak



12/03/2018
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