Fred Solojak

Fred Solojak

Les Elodiades (1)

Les "Elodiades"  constituent une suite de rencontres imaginaires entre Solojak et Elodie, l'héroïne de "El, tout simplement...", à qui, selon moi, il est accordé trop d'importance... Elles prolongent et éclairent le roman. Elles permettent surtout à l'auteur de rester en contact avec Quelqu'un qu'il aime profondément, malgré le fait assez embêtant qu'ils vivent dans deux dimensions différentes... Malgré son titre pompeux, ces Elodiades n'ont aucune prétention littéraire. Il ne s’agit ici que de « dialogues priants », comme dirait Solojak, en abusant une fois de plus de sa détestable emphase. Qu’importe ! Il semble tenir à ses « Elodiades » comme si sa vie en dépendait…                        

 Dan Bracco, chef de blog.

 

 

1-  Entretien au coin du feu…

 

Où l’on apprend que le roman « El, tout simplement… » est autobiographique…

 

Un soir d’hiver, Fred Solojak, assis dans son grand fauteuil, un whisky à la main, songeait à Elodie.

 

« Elodie ne me quittera jamais parce qu’elle est ma sœur jumelle en esprit…  Je viens de passer trois ans à l’écrire, dans la vallée, dans le village, près du torrent et sur la montagne. Et je n’ai rien inventé ! Tout ce que je lui ai fait vivre, je l’ai vécu autrefois, quand j’avais son âge.  Et je l’ai lu, et je le lis encore, dans les Evangiles...  Maintenant qu’elle est prisonnière d’un livre et moi de ma vieillesse, comment pourrais-je encore la retrouver autrement qu’en faisant danser des mots et des phrases sous ma plume ? J’aimerais tant pouvoir lui parler encore, la tenir contre moi, lui ciseler ses propos, la garder au chaud, près de ce feu de bois, lui offrir un whisky, à elle, qui ne buvait pas.  Ne serait-ce pas possible si j’écrivais un second tome, une suite à « El, tout simplement… » ?...

 

Non ! Elle ne serait pas d’accord. Elle a atteint sa plénitude.  « Elle ne pouvait plus aller au-delà de ce qu’elle était devenue… »,  a dit Kate, l’autre héroïne du bouquin…

 

Je ne veux plus brusquer Elodie.  Elle a le droit de vivre, de s’épanouir dans le bonheur qu’elle  a atteint, grâce à moi, et que je déplore, parfois, parce que ce cadeau lui a permis d’aborder des rivages qui me resteront à jamais inconnus… 

 

Mais si un soir, elle venait quand même frapper à ma porte…

 

Elle sera  habillée de nuit et de lune, parfumée d’étoiles, l’air frêle et fluide à la fois, cette fille-là qui danse quand elle grimpe, quand elle marche, rit, pleure ou aime. Elle ne me dira pas « bonsoir » parce qu’elle n’est pas toujours très polie.  Elle ne me demandera pas non plus « si elle peut entrer ? ».  A quoi bon ! Ne suis-je pas son père, son ami, son maître, son frère jumeau en esprit ? N’a-t-elle pas surtout toutes les audaces depuis qu’elle a admis, maturé, fortifié sa relation à Dieu ; depuis qu’elle L’a laissé pénétrer en elle,  par sa peau, par son sexe, par son âme? Ils ont fait l’amour. Ils ont joui ensemble. Elodie est enceinte de Dieu. Par ma faute. Puisque je les ai mis en présence l’un de l’autre.

 


 Oui, la revoir, pour parler d’elle, de Dieu, de Leur Couple…

 

 

Non ! Car si elle vient, une fois entrée, elle ira s’asseoir au coin du feu. Elle est si frileuse ! Elle me demandera un verre d’eau alors qu’elle aurait souhaité une tasse de thé… Je lui proposerai un verre de vin, un Chardonnay lumineux comme une goutte de soleil égarée  sur un tableau noir et crayeux. Elle me répétera qu’elle ne boit pas d’alcool.  Je pourrai alors la prendre en défaut, en lui rappelant que lors de sa rencontre avec Clément Bracco, dans le roman « El, tout simplement… », elle a bu du vin et quel vin ! Désorientée, elle me demandera une cigarette. Je la lui allumerai, elle toussera avec  élégance, comme elle l’a appris à le faire, autrefois, sur la montagne méchante, et je lui dirai enfin :

 

 

— Comme je suis content de te revoir, Elodie !...

 

 

— Moi pas, me répondra-t-elle, j’aurais préféré rester sur la montagne, plutôt que de redescendre dans la plaine, là où tu habites, Fred, là où tu t’es réfugié, après m’avoir abandonnée comme… comme si je n’avais jamais eu d’importance pour toi !

 

 

— Pourquoi me juges-tu ainsi, Elodie ? Parce que tu en as pris l’habitude ? Parce que tu ne sais plus jouer d’autre rôle que celui-là : « casser les gens » ?

 

 

— Désolé, Fred, mais ce rôle,  c’est toi qui me l’as écrit ! N’empêche, j’oublie en ce moment que je ne suis plus avec Bracco, ou Kate, ou d’autres encore, si fragiles parce que trop surs d’eux-mêmes…Que veux-tu, j’ai parfois l’impression que ce que tu m’as fait vivre est ce que tu aurais voulu vivre toi-même. Autrefois. En montagne. Pas ici.

 

 

—Tu as raison, Elodie. « El, tout simplement… » est autobiographique…

 

 

— Tu es « qui », dans le roman ?

 

 

— Je suis « tout à la fois » ! Chaque personnage est une part de ce que je fus, quand j’avais vingt ans. Mais c’est toi, surtout, que j’aurais voulu rencontrer, quand j’avais vingt ans… Pendant toutes ces années en montagne, je n’ai cherché que toi… J’ai souvent côtoyé, rencontré, entamé une relation amoureuse avec des Lola ou des Kate, comme on les voit dans le roman, mais quelle insatisfaction, une fois la page tournée !… Tandis qu’avec toi…  Je voudrais te dire, Elodie, si tu étais vraiment face à moi, en chair, en regard et en écoute, et non comme une ombre, je voudrais te dire que tu es celle qui, en quelques années, en quelques jours, en quelques heures, aurait pu me confier l’éternité… Etre à jamais avec toi, Elodie, au cœur de ces montagnes, sur ces sommets, arêtes, parois et glaciers… Mais être aussi sous la tente, le soir, enlacés sous les duvets,  ou devant, à fumer, à boire et à compter les étoiles dans nos regards…  Et ne pas avoir de problèmes d’argent, ne s’inquiéter de rien, même pas de l’accident possible dans ce sport à risques… Posséder une petite auto passe-partout, et parcourir toute la haute Europe… Vivre à deux en étant cependant parmi les autres… Ne pas imaginer un jour être père et mère… Ne pas avoir de maison… Ne…

 

 

— Ce n’est pas ce que tu as voulu me faire vivre dans le roman…, m’interrompra-t-elle avec justesse.

 

 

— Forcément  puisque si j’avais à être un seul personnage de celui-ci, ce serait Bracco… Bracco à qui j’aurais voulu  dire : " Stop, mon vieux, tu t’illusionnes sur ta force et ton besoin de te croire le meilleur… J’ai été comme toi, Bracco, je sais donc le prix à payer : il faut humilier les autres. Souviens-toi comment tu as humilié Elodie…"  Oui, j’ai été Bracco. Et j’ai connu tant « d’amis » qui l’étaient en même temps que moi… J’aurais voulu sa technique, son courage,  un palmarès comme le sien … Et les autres grimpeurs, Nicolas, Jo, David, Lionel le guide… Tous, je les ai rencontrés,  il y a plus de trente ans ; le hâbleur doué, le bellâtre, le hâbleur moins doué, et le guide fier de son job et si désireux de le montrer… Même Eva, la nympho, elle a existé. Et en plusieurs exemplaires ! Rassure-toi ; je ne l’ai jamais pratiquée ; j’avais peur de tomber amoureux d’elle et, par  onséquent, de souffrir… Or, dans l’attente de notre rencontre, Elodie, je devais être libre de toute souffrance, pur comme un enfant qui ne grandira pas… Si j’avais été, ne fus-ce qu’une nuit, qu’une seule minute avec une Eva, je n’aurais même plus su te rêver, Elodie…  Je me serais condamné à jouir, jamais à aimer…

 


 Après un silence soulignant la gêne de ma déclaration que d’aucuns jugeront excessive, j’ajouterai :

 

 

— Et cette montagne-là, Elodie, sans touriste, sans infrastructure, cette montagne des temps anciens, si belle, si rude, j’aurais pu y rester, si je n’avais pas eu peur de moi-même… Si, surtout, je t’avais rencontré…

 

 

— Tu tournes en rond, mon pauvre Fred… me dira-t-elle.

 

 

— C’est normal ; nous tournons toujours en rond quand nous avons la tête tournée vers le passé. On perd le sens de la ligne droite, on commence à tituber, on s’enivre de ces images fuyantes que nous cherchons à rattraper… On s’enferme dans quelques mètres carrés de vie et, pour éviter de se heurter aux murs, on arrondit autant que possible notre démarche…

 

 

— Je t’ai manqué « tant que ça », Fred ?

 

 

— Oui. Parce que tu n’as pas été, Elodie…

 

 

— Et si j’avais été ?... Peut-être t’aurais-je déçu…

 

 

Le mot terrible me fit rouvrir les yeux. Elodie avait disparu. Elodie n’avait jamais été là. Pas d’autres cigarettes que la mienne, complètement consumée, dans le cendrier. Rien que mon verre de whisky à mes côtés. Le feu, dans l’âtre, était éteint. Un frisson me secoua et je me levai lourdement… Je me dirigeai vers ma table de travail. Sur l’écran de l’ordinateur, je cliquai sur « word ». Quand la page blanche goba l’écran bleuté, je tapais fébrilement ces mots : « les Elodiades ».

 

Une sorte de « tome 2 » à « El, tout simplement… »

 

Et si elle n’est pas d’accord, qu’elle vienne me le dire. Si je suis encore de ce monde, je rallumerai le feu. Pour elle, si frileuse et donc si froide, souvent…

 

La suite en cliquant ici : Les "Elodiades" - 2

 





06/04/2012
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